La Cuisine du Chemin-du-Roy
Cette région se situe au centre de la plaine du Saint-Laurent, entre la grande région de Québec et la grande région de Montréal. Son centre est la ville de Trois-Rivières, sur la rive-nord du fleuve. Le nom Chemin-du-Roy vient d’une coutume européenne de nommer les grandes routes des pays concernés, « chemin-du-roy » puisque c’est le Roi qui les payait et les entretenait pour favoriser les contacts entre la capitale du royaume et ses grandes villes. La Nouvelle-Angleterre avait donc aussi son King's Road comme la Nouvelle-France avait son Chemin-du-Roy. Le premier tracé du Chemin-du-Roy fut dessiné par le Grand Voyer de la Nouvelle-France, Pierre Robineau de Bécancour, en 1706. C’est Jean-Eustache Lanoulier de Boisclair qui en termina la construction, entre 1730 et 1737. Le chemin mesurait 280 km de long et 7 mètres de large. Avant cela, les habitants des villages côtiers voyageaient par le fleuve en chaloupe et en voilier.
SES GARDE-MANGER
LE FLEUVE
Le fleuve et ses nombreux affluents représentent les principaux fournisseurs de denrées sauvages de la région, sans oublier, bien sûr, le grand lac Saint-Pierre en amont de Trois-Rivières. On peut pêcher, dans la région, plus de 80 espèces de poisson d’eau douce, soit 60 % de tous les poissons qu’on peut pêcher dans tout le Québec. Les poissons les plus populaires de la région étaient, avant 1930, le saumon, l’achigan, le maskinongé, le bar rayé, le doré, le brochet, la barbotte, la perchaude, la barbue et l’esturgeon jaune. Devant Trois-Rivières, on pêchait des esturgeons de plus de 3 mètres. Vers 1850, on avait promené, en trophée de pêche, dans la ville de Trois-Rivières, un esturgeon de 326 livres! Il n’était pas rare de pêcher des maskinongés de 60 livres et de prendre au filet une quarantaine de bars rayés de plus de 10 livres dans une seule relevée de filet. La pêche hivernale était pratiquée par les Algonquins de Trois-Rivières. Mais les fameux petits poissons des chenaux auraient été découverts, vers 1677, par un cultivateur de Champlain, M. Jacques Turcot. Alors que ce dernier allait se chercher une chaudièrée d’eau dans le trou qu’il avait creusé dans le fleuve pour s’approvisionner en eau, pendant l’hiver, il remonta une chaudière pleine de petits poissons. Ces derniers furent mis au menu de Noël de la famille, quelques jours après la découverte. La nouvelle s’est répandue rapidement de sorte que les fermiers français se mirent tous à pêcher ce petit poisson, dans la région de Batiscan, Champlain, Sainte-Anne-de-la-Pérade et devant Trois-Rivières. Le poisson donna naissance à plusieurs recettes locales comme la bouillotte au petit-poisson-des-chenaux.
LA FORÊT DU PIEDMONT DES LAURENTIDES
Avant l’ouverture des villages forestiers et la création de l’industrie forestière, le piedmont laurentien était le réservoir à gibier des habitants de la plaine du Saint-Laurent. On allait chercher son orignal, ses chevreuils, parfois son caribou des bois, sans oublier le castor, le lièvre et les nombreux rats musqués de la région. Le ragout de rat musqué faisait le bonheur des régionaux puisqu’on le servait même dans les hôtels de la région, au début du XXe siècle. Une quarantaine de plantes sauvages étaient occasionnellement mises au menu comme le révèlent les auteurs natifs de la région, Guy Courteau et François Lanoue.
LA FERME
Les statistiques faites à partir des archives sur les cultures faites le long du fleuve comptent au moins une quarantaine de céréales et de légumes semés dans la plaine, au nord du fleuve, entre Portneuf et Repentigny. La variété est plus grande dans Lanaudière que dans la région de Portneuf car il y a un changement climatique important en aval de Trois-Rivières. La culture des légumes générait autrefois des excédents que les fermiers allaient vendre au marché de Trois-Rivières ou Bonsecours de Montréal. Le marché de Trois-Rivières était situé au bord de l’eau, vis-à-vis la rue Saint-Louis, vers 1725. Au niveau de l’élevage, on avait le porc, le bœuf et le mouton dans certains coins comme Yamachiche. Dans ces endroits, on mangeait plus d’agneau qu’ailleurs. Les vergers étaient rares, sous le Régime français à cause du fond de terre plutôt glaiseux. Au XIXe siècle, cependant, les vergers poussèrent comme des mauvaises herbes, dans les villages, tout le long du Chemin-du-Roy, grâce à l’influence de l’abbé Provancher de Portneuf, biologiste et horticulteur professionnel avant l’heure.
SES FONDATEURS
LES AUTOCHTONES
À l’arrivée de Jacques-Cartier, la région était occupée par des villages iroquoïens qui pratiquaient l’agriculture. Puis, entre 1541 et 1600, un génocide se produisit dans la Plaine du Saint-Laurent dont nous ignorons encore les véritables auteurs. Les Iroquois commencèrent alors à venir s’installer dans la Plaine du Saint-Laurent à partir de leur habitation d’origine, dans l’État actuel de New York. Une tribu iroquoise appelée les Loups vivait à Louiseville. Puis ces gens furent à leur tour éliminés par les Algonquins originaires de l’Outaouais qui vinrent s’installer tout le long du Chemin du Roy, jusqu’à Trois-Rivières. Lorsque les Français s’installèrent dans la région définitivement à l’embouchure de la rivière Saint-Maurice, en 1616, Trois-Rivières était algonquin. Mais l’arrivée des Français les firent quitter la région pour retourner dans leur région d’origine, l’Outaouais et le Témiscamingue.
LES FRANÇAIS
La région a été colonisée par les Français à partir de 1634. La Compagnie des Cent Associés commença à distribuer les seigneuries, tout le long du fleuve, à partir de 1630, soit après le retour des Français à Québec, après l’occupation anglaise du territoire par les frères Kirke. Parmi les Français, il y avait aussi quelques Belges francophones. La majorité des Français venaient des régions côtières de l’Ouest français comme l’Aunis, la Normandie, la Picardie et le Béarn. Mon propre ancêtre qui s’appelait Claude Robillard, venait de Rouen, en Normandie; il s’établit à Champlain, en aval de Trois-Rivières, avant de s’installer à Montréal pour avoir le reste de sa famille, avec da seconde femme. Il revint mourir chez son dernier fils, à Saint-Sulpice.
LES ACADIENS
Les premiers vinrent s’installer à Deschambault, en 1755, dès leur déportation par les Anglais. Puis plusieurs autres groupes vinrent fonder de gros villages devenus des villes comme l’Assomption, Louiseville, Saint-Jacques-de-l’Achigan et Yamachiche.
LES BRITANNIQUES
Après la Conquête, les seigneuries de la région furent rachetées par plusieurs hommes d’affaires de langue anglaise. Ce sont eux et leurs descendants qui installèrent les premières industries de la région. On connait tous la famille Hart de Trois-Rivières, d’origine juive, qui bâtit un véritable empire commercial.
LES LIBANAIS
Si les Libanais sont aujourd’hui très nombreux, au Québec, les premières familles s’installèrent à Trois-Rivières en ouvrant quelques magasins, au début du XXe siècle.
CONCLUSION
La cuisine initiale de la région est sans doute la plus métissée de notre territoire pour plusieurs raisons. C’est la région qui a fourni le plus grand nombre de coureurs des bois de notre histoire, dont les fameux Radisson et Desgroseillers, découvreurs de la baie d’Hudson et fondateurs de la compagnie du même nom. Les jeunes hommes initiaient leurs sœurs et leur mère à la cuisine amérindienne en revenant au pays. C’est pourquoi le gibier occupe une place très importante dans l’histoire de la cuisine régionale. L’abondance de poissons de toutes sortes de même que de plantes sauvages a marqué la cuisine locale. Le fait que plusieurs filles du Roy installées dans la région venaient de l’Aunis a favorisé la cuisine des poissons comme l’anguille et l’esturgeon, connus dans leur pays d’origine. On comprend alors plus facilement que le plat typique de la région est la bouillote aux petits poissons des chenaux. Plusieurs témoins ont parlé de la cuisine de la région. Je cite leurs mots dans mon 4e ouvrage consacré à la Plaine du Saint-Laurent. Mon site vous donne un aperçu des recettes locales.