Soumis par Michel Lambert le
La civilisation romaine est capitale dans l’histoire de nos ancêtres européens. Je ne veux pas raconter, ici, toute l’histoire de Rome, mais m’attacher spécifiquement à l’évolution de leur cuisine à travers le résumé de leur histoire.
Disons d’abord que Rome a été fondé par le roi Romulus, en l’an 753 avant J.C. Ce peuple était composé de plusieurs tribus venues de l’Asie Centrale, comme les Celtes, et parlait aussi une langue indo-européenne. Ce sont justement des rois issus de ces premiers groupes qui dirigèrent la ville jusqu’en 509 ans avant J. C. Il y eut 3 rois Sabins et 3 rois Étrusques pendant ces 250 ans. En -509 ou -510, le peuple romain s’est révolté contre son roi et l’a banni du pays pour le remplacer par une République.
En -390, les Celtes entraient brutalement dans la ville et la saccageaient totalement. Mais la république se releva en luttant fermement contre les Celtes puis contre leurs voisins, les Samnites. La république romaine devint une puissance militaire importante lorsqu’elle se battit contre les Carthaginois et leurs alliés occupant les iles de la Méditerranée, l’Afrique du Nord et le sud de l’Espagne et du Portugal. Rome devint maître de la Méditerranée de -149 à -146. C’est à ce moment-là que les Romains importèrent de nouveaux aliments et habitudes alimentaires de ces pays conquis, en particulier des Grecs.
De – 58 à -52, Jules César, général de l’armée romaine, envahissait le sud de la Gaule. Un autre général, Pompée prenait le pouvoir de la République, pendant son absence. C’est pourquoi César franchit le Rubicon pour établir sa dictature. Mais en -44, il était assassiné par un groupe de sénateurs de la République. Un autre général, Octave, faisait la conquête de l’Égypte, en -31. La république décidait alors de lui remettre tous les pouvoirs par décret, pour conquérir l’Europe d’alors. On lui donnerait le nom d’Auguste. La république va ainsi passer d’une démocratie républicaine à un pouvoir impérial maître politique et religieux de la cité, en l’an 15 de notre ère. Rome va donc progressivement annexer toute la Gaule, puis la Bretagne (Angleterre actuelle) en l’an 43 de notre ère.
Ce qu’il est important de signaler, c’est que Rome a reçu, en même temps, les premiers chrétiens. Le christianisme va ainsi se répandre en France, par des Romains convertis, et dans les iles Britanniques, par des anciens militaires convertis de l’armée romaine, d’origine irlandaise. L’Église romaine et irlandaise vont installer un culte religieux qui va avoir des incidences sur la vie quotidienne des Gaulois et des Britanniques. Les fondateurs européens du Québec ont donc apporté cet héritage religieux au Québec.
L’empire romain d’Occident, y compris la Gaule et la Bretagne, va définitivement tomber sous le pouvoir des peuples d’origine germanique comme les Wisigoths, en l’an 476 de notre ère. J’expliquerai l’introduction des peuples germains dans les territoires français et britannique, lors du prochain blogue.
Mais pour l’instant, parlons plus spécifiquement de la cuisine des Romains en France et en Angleterre. Ce sont les soldats de Rome qui ont envahi la Gaule. La plupart étaient des mercenaires d’origine étrangère payés par Rome. Lorsque le pays a été conquis, ce sont des administrateurs romains qui ont remplacé les généraux de l'armée. Ces gens ont amené leur famille et certains autres plus jeunes ont trouvé femme sur place. Ces administrateurs et ces soldats vivaient dans des villes fortifiées appelées des oppidum, dans la plupart des sous-régions françaises. Les Romains n’ont jamais formé que 3% de la population gauloise, mais leur pouvoir a été immense parce qu’ils avaient une langue écrite, un système judiciaire efficace, et un pouvoir moral et religieux important avec les Romains convertis au christianisme. Quelques Romains fortunés ont trouvé de nombreux moyens de faire de l’argent en amenant des produits romains dans ces pays conquis. Par conséquent, la cuisine romaine que nos ancêtres français et anglais ont connu n’est pas la cuisine des gens ordinaires de Rome, mais celle des gens fortunés qui pouvaient se payer des produits dispendieux ou importés. Les serviteurs et les amis gaulois ou bretons de ces gens ont donc rapidement adopté cette cuisine romaine, mais qui était déjà le mélange des grandes cuisines de l’Antiquité comme celles des Perses, des Grecs et des Carthaginois.
Les soldats romains se nourrissaient de bouillies de grains d’orge ou de blé parfumées par des herbes aromatiques comme la menthe, la coriandre, l’aneth, le fenouil, le céleri, la livèche et de l’huile d’olive. On accompagnait cette bouillie de laitue, de poireau, de chou, de gourganes et d’olives. Mais installés dans les garnisons, ils pouvaient se faire cuire des pains plats qu’ils accompagnaient de salades de laitue, de chou, de chicorée et de concombre. Tout ce qu’on mangeait était arrosé légèrement de garum. Le garum était fait d’entrailles de poisson ou de petits poissons couverts de sel et marinés quelques mois sous le soleil ardent de l’Italie. Le nuoc mam vietnamien est son correspondant contemporain. Les protéines animales étaient réservées aux jours de fête.
Les marchands et les administrateurs faisaient une cuisine plus élaborée et raffinée qu’on accompagnait toujours de vin. Ils mangeaient surtout du porc et de l’agneau, puis du gibier comme le sanglier, le faisan, la perdrix, le lièvre et la bécasse. Le poisson était aussi considéré comme un met raffiné après avoir été considéré, au début, comme de la nourriture de pauvre. Les viandes étaient à l’origine servies lors des cérémonies religieuses. On offrait l’animal au dieu vénéré en faisant bruler ses entrailles sur l’autel, et l’on mangeait sa viande grillée, en son honneur. Lors de la christianisation de la Gaule et de Rome, on continua d’associer la consommation de viande aux fêtes religieuses annuelles. La semaine, on était plus végétarien.
Une chose importante que les Romains, et leurs nations conquises nous ont laissé, ce sont les pâtisseries salées et sucrées. Les pains ronds à farcir, ancêtres de nos pâtés, tourtes et tourtières, les tartes, les gâteaux, les crêpes, les omelettes sont toutes des illustrations du soleil dont on célèbre le retour, le Premier de l’An. Ces pâtisseries rondes sont garnies de choses qu’on aime comme le porc, l’agneau, le faisan, le canard, l’oie, le poireau ou les pommes. Mais les Romains font ces pâtes à la manière grecque, avec de la farine, de l’eau et de l’huile d’olive. La pâte brisée avec du gras de porc viendra plus tard. On ne connait pas non plus le beurre même si on consomme un peu de yogourt et de lait sur, en boisson. D’autre part, la farine utilisée pour faire ces pâtisseries, était la fleur de la farine, la farine blanche, parce qu’elle était associée à la pureté divine. Chez les Romains, le nom de cette farine blanche qu’on donnait aux dieux s’appelait ador. D’où le mot adorer en français, lié au culte divin.
Ce que les Romains nous ont laissé, c’est une cuisine de fête, une cuisine pour les moments importants de la vie et les jours de fêtes religieuses ou sociales de l’année. C’est du moins ce qu’on connaissait encore au Québec, jusque dans les années 2 000. De façon secondaire, ils ont ajouté au garde-manger celte, de nombreux aliments venus d’ailleurs comme le citron, l’abricot, les épices, les olives, etc. La cuisine gallo-romaine était, en fait, une synthèse de la cuisine celte et romaine.
Je terminerai l’apport européen de la cuisine québécoise en parlant des Germains, la semaine prochaine.
Bonne semaine à tous
Michel Lambert, historien de la cuisine familiale du Québec