Le jambon
Voilà une viande de porc très présente dans notre cuisine que nous avons héritée des Celtes, des Francs, des Vikings, des Angles et des Saxons. Les Celtes conservaient leurs fesses de porc au sel, 600 ans avant J. C. Ce sont d’ailleurs eux qui montrèrent cette technique de conservation aux Italiens du Nord. 300 ans avant J. C., le jambon salé était déjà réputé dans les familles bourgeoises de Rome. Ce jambon était salé au sel de gemme en provenance des Alpes autrichiennes puis séché pendant plusieurs mois, au vent de la montagne. Lorsque les peuples germains ont commencé à conquérir des régions de la France, au IVe siècle, ils amenèrent leur jambon fumé. La plupart des historiens de la cuisine s’entendent, aujourd’hui, pour dire que le jambon actuel est né de la fusion entre la culture celte et germanique. En s’installant le long de la Mer du Nord, les peuples germains découvrirent le sel celtique et se battirent, entre eux, pour en avoir le contrôle. Ils se mirent à saler leurs fesses de porc, comme les Celtes, et continuèrent à le fumer avec les nombreuses essences forestières du nord de l’Europe de sorte que le nouveau jambon devint essentiel dans l’alimentation de nos ancêtres européens. Cette tradition fut donc apportée au Québec où l’on s’est mis à faire du jambon, chaque année dans le temps de Pâques, et dans quelques familles, lors des grandes boucheries du début décembre pour préparer le temps des Fêtes. En 1620, les Récollets de Québec élevaient du porc, près de la rivière Saint-Charles. Le porc abattu le printemps pouvait peser plus de 300 livres et les jambonneaux à fumer étaient très gros. D’où le fait qu’il fallait les fumer de 10 à 12 jours pour les conserver tout l’été. On fumait non seulement les fesses de jambon mais aussi les gourganes (joues du porc) et les épaules. Nous avons des preuves de tout cela dans nos archives. En 1746, le commandant de la citadelle de Québec commandait 181 gourganes pour les officiers de l’armée française qui devaient aller se battre en Nouvelle-Angleterre. Le jambon fumé était consommé traditionnellement au diner-déjeuner de Pâques. Dans le temps des Fêtes, on le mettait sur le table pour les déjeuners-diners, au retour de la Grand-Messe du Premier de l’An ou de la Fête des Rois ou du dimanche intermédiaire entre Noël et le Premier de l’An ou celui entre le Premier de l’An et la fête des Rois, le 6 janvier. Les peuples germaniques ajoutaient du miel dans leur saumure avant de le fumer. Cette tradition a été remplacée, chez nous, par de la cassonade ou de la mélasse. On ajoutait des clous de girofle et du laurier à la saumure et l’on fumait le jambon avec des copeaux d’érable, dans la Plaine du Saint-Laurent.
Au début du XIXe siècle, lors du blocus naval que les Américains et Napoléon ont fait pour empêcher les Anglais, maîtres du Canada, d’être approvisionnés en mélasse des Antilles, les gens du Québec remplacèrent la mélasse du jambon par du sucre et du sirop d’érable. C’est ainsi que la tradition du jambon à l’érable s’est peu à peu installée chez nous. Mais l’idée de sucrer le jambon est surtout venue des Britanniques, après la Conquête. Les Écossais, de leur côté, ajoutaient de la cassonade et du whisky. Certains de la Baie-des-Chaleurs le fumaient même avec de vieux barils de whisky pour transmettre ce gout particulier au jambon. On se réfèrera à mon article sur le porc, dans mon 4e volume, de la page 1027 à 1074, pour plus de détails et l'on explorera les nombreuses recettes québécoises qui utilisent du jambon.