Le hareng

Le hareng me rappelle ma grand-mère maternelle. Elle venait de la Côte-du-Sud, dans la région de L’Islet. Et lorsque le carême commençait, elle se mettait à manger du hareng salé et fumé, comme on le faisait depuis des générations, dans sa famille. Il faut dire que son arrière-grand-père, Charles Gaudreault, avait pêché la morue et le hareng pendant 52 ans, sur la Côte-de-Gaspé, avant même que les gens s’installent dans cette partie de la Gaspésie. Le hareng se pêchait en Gaspésie, sur la Côte-Nord, dans le Bas-Saguenay, dans Charlevoix et dans la grande région de Québec, depuis toujours. On en fumait, on en marinait et on en salait, chaque année pour passer l’hiver et le printemps. Tous mes témoins m’ont parlé de leur habitude de manger du hareng pendant le carême, soit de la mi-février-début mars au mois d’avril, selon les années où Pâques tombait. Le hareng salé était dessalé, débarrassé de ses arêtes et mangé bouilli ou cru. Plusieurs témoins m’ont raconté qu’ils le mangeaient cru et froid avec des pommes de terre bouillies et chaudes, un peu de crème fraîche ou de crème sure. On accompagnait le hareng cru aux patates chaudes d’un peu de vinaigre ou de moutarde.

En fouillant pour mieux connaitre ce poisson, j’ai découvert qu’il était relié à la culture culinaire des Germains, depuis au moins 2 000 ans. Le mot hareng vient d’ailleurs du germain hâring. Les Allemands, les Hollandais, les Normands, les Bretons, les Britanniques et les Scandinaves sont toujours de grands consommateurs de harengs. Au cœur du Moyen Âge, au XIIIe siècle, le hareng occupait beaucoup de place dans la cuisine européenne du Nord. Les régions maritimes en exportaient de grandes quantités dans des caques ou des barils de 20 gallons qui pouvaient contenir 1 000 harengs. Ce hareng était surtout conservé au sel et à la fumée, puis séché. On l’appelait hareng saur, en vieux français. Le mot saur est d’origine néerlandaise et signifie de couleur jaune.

On aurait beaucoup d’avantages à retrouver la cuisine patrimoniale du hareng. Je vous propose plusieurs recettes de hareng cru qui appartiennent à notre héritage normand et qui passeront très bien dans nos habitudes depuis que nous mangeons des sushis et des tartares. Je vous invite à lire ce que je dis de ce poisson dans mon 2e volume, Histoire de la cuisine familiale du Québec, La mer, ses régions et ses produits, de la page 445 à 462.

Filets de hareng pêchés et transformés par la famille Beaudoin de Blanc-Sablon, disponibles frais en moins de 24 h et offerts aussi congelés, par la Société Orignal.