La cuisine de Laval et des Basses-Laurentides

La grande ile de Montréal est jumelée, au nord, d’une autre ile devenue la ville de Laval, avec l’urbanisation galopante à partir des années 1950. Plusieurs ponts relient cette ile avec Montréal et la Rive-nord du fleuve qu’on appelle aussi les Basses-Laurentides. Cette région a longtemps été l’autre garde-manger de la métropole. Son climat chaud, ses terres argileuses et son piedmont orienté vers le sud ont favorisé la culture des fruits et des productions horticoles après avoir été un grenier à blé, comme l’ile de Montréal. Son paysage est généralement plat comme dans toute la plaine du Saint-Laurent, avec de légers coteaux au centre de l’ile de Laval.

SES GARDE-MANGER

LES RIVIÈRES DES PRAIRIES ET DES MILLE-ISLES

Ces deux rivières commencent leur parcours dans le lac des Deux-Montagnes, à l’ouest des iles de Montréal et de Laval. Et ce lac correspond à la jonction du fleuve Saint-Laurent et de la rivière des Outaouais. On y trouve donc les mêmes poissons et la même faune aviaire que dans ces deux cours d’eau. De nombreux rapides attirent certaines espèces qui se retrouvent, chaque année aux mêmes endroits. La rivière des Prairies, accueille, chaque printemps, les pêcheurs d’alose savoureuse. Autrement, les poissons qu’on peut toujours pêcher dans ces rivières, selon les moments de l’année, sont les poissons de l’Ouest du Québec : en premier, le très aimé doré, le brochet, l’achigan, la perchaude, la laquaiche, la carpe allemande, la barbotte, la marigane, le corégone ou poisson blanc, le bar rayé, l’anguille, la truite brune, la truite arc-en-ciel, certains chevaliers, les crapets de roche et le crapet-soleil et le fameux esturgeon, en quantité limité tout comme le saumon. Ces poissons étaient autrefois pêchés le dimanche par les fermiers riverains qui n’avaient pas le temps de pêcher, à d’autres moments à cause des nombreux travaux de la ferme. C’était d’ailleurs le travail des adolescents et adolescentes d’aller chercher le poisson pour faire la bouillotte du dimanche. Ce bouilli de légumes de l’été comprenait toujours, dans la région, du lard salé, du bœuf, un poulet et les petits poissons du moment. Le poisson faisait aussi partie du menu du vendredi et du début de semaine, si la pêche avait été bonne, le dimanche.

LA FORÊT ENVIRONNANTE

Il y avait jusque dans les années 1960, de nombreuses érablières sur l’ile de Laval et dans les Basses-Laurentides. On en trouve encore quelques-unes qui se sont commercialisées pour accueillir les Montréalais. Autrefois, on ramassait beaucoup de noix de caryer et des faines de hêtre. Pehr Kalm raconte en 1749 que les habitants des lieux en ramassaient pour l’hiver; on les servait au moment du dessert avec des fruits secs ou des confitures. Pendant l’été, tout le monde cueillait des petits fruits pour faire des confitures, des vinaigres, des conserves et du vin. Le vin de cerises tardives ou de merises était particulièrement apprécié. Les confitures ou les gelées de mures, de gadelles, de catherinettes, de senelles, de prunes sauvages ou de raisins de grève n’étaient pas rares. L’ail des bois et le capilaire du Canada étaient très ramassés, au début du XVIII e siècle, selon Gédéon de Catalogne. Cette fougère était même exportée en France où l’on s’en servait comme médicament contre le rhume et même comme boisson à la mode. Pehr Kalm confirme d’ailleurs cette assertion. « Je me suis laissé dire, dit-il, qu’on fait grand usage de ses feuilles au lieu de thé dans les cas de consomption, de rhume et dans toutes les maladies de la poitrine. »  D’autre part, il y avait tellement de ginseng sauvage dans la région que la Nouvelle-France en exportait même en Chine, chaque année. Enfin, la région a été l’hôte de nombreux cerfs et de troupeaux de wapitis qui ont longtemps alimenté les familles installées dans la région. Par la suite, il fallut se contenter des canards, des outardes et des oiseaux de rivages et de marécages, nombreux sur les rives des rivières régionales, de même que du petit gibier comme le lièvre, le lapin des bois, la gélinotte huppée et les nombreux bruants des neiges présents dans la région jusqu’à Pâques.

LA FERME

Les récoltes fermières ont toujours été généreuses et variées dans la région au point que plusieurs fermes ont développé des spécialités qui les font vivre, encore aujourd’hui. Il y a bien, bien sûr, tout le monde des fruits qui poussent en abondance dans les vergers de Deux-Montagnes, d’Oka, de Saint-André-Est, de Saint-Joseph-du-Lac et de Saint-Eustache. Les pommes les plus populaires demeurent la McIntosh, la Lobo, la Cortland, la Spartan, l’Empire, la Paulared, la Melba et la Jerseymac. On trouve aussi des poiriers à Oka, Saint-Eustache et Saint-Joseph-du-Lac; ce sont les Beauté Flamande et les Barlett qui sont les plus populaires. Les pruniers les plus populaires de la région sont les Mont-Royal, les Italiennes, les Mirabelle, les petites rondes et les Rouges. Bois-des-Filion, Saint-Eustache et Saint-Joseph-du-Lac produisent des cerises aigres alors qu’Oka possède en plus des cerises de France, plus foncées et moins aigres. La région produit en plus, beaucoup de fraises, un peu moins de framboises, de bleuets de corymbe, de mures, de gadelles, de cassis et de groseilles vertes. On pratique aussi la culture des melons d’eau, des melons charentais, des cerises de terre, des citrouilles et de la rhubarbe. La production des légumes est toute aussi abondante et recoupe tous les légumes de notre patrimoine culinaire avec leurs nouvelles variétés. En 2010, la région offrait plus de 80 espèces de légumes, une trentaine d’herbes potagères cultivées dans le champ ou plus de 80 cultivées en serre. Une trentaine d’élevages différents viennent compléter l’offre fermière aux résidents de Laval, de Montréal et des Basses-Laurentides.

 

SES HABITANTS

LES AUTOCHTONES

Le territoire est occupé par les Archaïques laurentiens et ceux du Bouclier canadien depuis 6 000 ans, après le retrait des eaux de la plaine du Saint-Laurent, suite à la remontée des terres après la fonte du glacier continental. Les fouilles faites à Oka révèlent que les ancêtres des Iroquoiens ont connu la poterie, il y a 2 700 ans. Mais leur présence a varié dans le temps. On sait qu’ils ont disparu vers 1550 et qu’ils ne sont pas présents non plus, dans les basses-Laurentides à partir du VII e siècle de notre ère. Les Basses-Laurentides révèlent cependant la présence permanente des Algonquins et des Outaouais, dans le territoire. Les Iroquoiens sont cependant demeurés présents le long du Saint-Laurent, entre Hochelaga et Cornwall. Au moment où Champlain a visité Montréal en 1613, il a rencontré des Iroquets, les descendants probables des Iroquoiens réfugiés chez les Algonquins, aux rapides de Lachine. Les Iroquets habitaient la péninsule entre la rivière Outaouais et le fleuve Saint-Laurent. Mais ils fréquentaient beaucoup la rivière des Mille-Isles. Les Algonquins étaient les habitants de cette région depuis au moins 3 000 ans. Le recensement de 1685 révèle la présence de 900 Algonquins cabanés sur l’ile de Laval. Mais, 10 ans après, les Iroquois les avaient tous éliminés. On connait la guerre que les Iroquois leur faisaient tout comme à leurs alliés français et hurons. Il fallut donc attendre la paix signée entre toutes ces nations, à Montréal, en 1701, pour voir s’établir quelques Français dans les Basses-Laurentides et sur l’ile Jésus ou de Laval.

LES FRANÇAIS

La colonisation de la région a commencé en 1670. L’intendant Talon a engagé des gens pour s’occuper d’une ferme qui appartenait à François Berthelot, demeuré en France. L’inventaire de 1675 révèle qu’on avait ce qu’il fallait pour survivre sur l’ile Jésus : on pouvait conserver le beurre et le lait, moudre la farine, chasser le wapiti et pêcher l’esturgeon dans les eaux du fleuve. Mais la crainte des Iroquois empêchait l’installation de censitaires sur la seigneurie. La véritable colonisation de l’ile s’est faite après 1701, à partir de l’est de l’ile où les terres étaient nettement plus productives que dans l’Ouest. En 1736, on était déjà rendu au 3 e rang à partir de la rive de l’île, à l’intérieur de terres. À la conquête, le tour de l’ile était occupé excepté une petite partie, dans le nord-ouest. Saint-François de Laval fut fondé en 1702, Saint-Vincent-de-Paul, en 1740 et Saint-Martin, en 1774. Les premiers colons de l’ile Jésus venaient de Québec ou de Montréal où ils étaient nés et non pas de la France. La colonisation des Basses-Laurentides a commencé vers 1720. Mais dans la région de Terrebonne, il y avait des squatters depuis au moins 1701. L’espace entre Blainville et Rivière-du-Chêne est occupé entre 1740 et 1770. Les francophones occuperont surtout l’intérieur des terres jusqu’aux contreforts des Laurentides, jusqu’en 1830. Saint-Jérôme fut fondé en 1834 et Saint-Janvier, en 1845. L’ile de Laval est devenue une ville de banlieue entre 1941 et 1961. Ce sont surtout des Montréalais francophones qui sont venus s’y installer, pour des raisons économiques. Les premiers immigrants qui sont venus les rejoindre sont des Italiens, des Juifs et des Belges.

LES LOYALISTES

L’ile Jésus accueillait les premiers réfugiés américains après la Guerre de l’Indépendance américaine, en 1783. Rapidement, ils se mêlèrent à la majorité francophone de l’ile. Sous leur influence, les colons français se mirent à manger plus de pommes de terre et de farine de sarrasin. Ils semaient aussi beaucoup de foin pour nourrir le bétail qu’ils élevaient pour la boucherie. C’est aussi grâce à eux que les francophones se mirent à manger du steak et du rosbif en plus des bouillis, des rôtis et des braisés de bœuf français. À partir de 1785, les seigneuries d’Argenteuil et des Deux-Montagnes furent de plus en plus occupées par des immigrants loyalistes. Mais plusieurs retournèrent chez eux après les Guerres napoléoniennes de 1812.

LES ÉCOSSAIS

Ces derniers viennent acheter les terres occupées par les Loyalistes retournés chez eux. Ils ont commencé à s’établir à Saint-André, en 1802, puis La chute, en 1809 et Chatham, en 1820. En 1825, ils sont 300 à New Glasgow.

LES IRLANDAIS

Ils arrivent dans la région après 1825. Ils s’installent comme agriculteurs dans Grenville, Chatham et dans le canton de Gore. Ils fondent Saint-Colomban et New-Paislay. Ils sont 125, en 1825.

LES IMMIGRANTS

Les premiers immigrants qui sont venus rejoindre les banlieusards franco-québécois sont les Italiens, les Juifs et les Belges. Aujourd’hui, Laval abrite plusieurs communautés dont les Allemands, les Polonais, les Néerlandais, les Hongrois, les Autrichiens, les Chinois, les Grecs, les Haïtiens, les Libanais, les Philippins, les Portugais, les Syriens, les Égyptiens et les Marocains.

 

CONCLUSION

Les mets les plus typiques de la région sont la bouillote dont je vous ai parlé plus haut comprenant les légumes de l’été, du bœuf, du lard salé, du poulet et du poisson local. Le second est le pâté d’agneau, de saucisses et de rognons de porc couvert de grands-pères persillés. Le troisième est le bouilli de légumes aux jarrets de porc et de veau dont les restes étaient mangé en galantine, le lendemain midi, pris dans la gelée naturelle de la viande. Le canard farci à la purée de pommes de terre et à la sarriette est aussi une recette locale.