La cuisine de la Région maskoutaine

Cette région doit son nom à la Rivière Yamaska qui prend sa source dans les lacs Bromont, Brome et Waterloo situés dans les Cantons de l’Est. Cette rivière descend vers le fleuve Saint-Laurent en trois sous-régions distinctes, bien connues des Montérégiens. Le secteur sud est occupé par les monts Rougemont, Saint-Grégoire et Yamaska : c’est le pays des vergers et des érablières courus, chaque année, par les Montréalais. Le centre est la région agricole de Saint-Hyacinthe avec ses grosses fermes laitières, ses cultures maraîchères et fourragères et ses nombreuses industries agro-alimentaires. Le nord, enfin, est la région sablonneuse et marécageuse des abords du lac Saint-Pierre réputée pour ses pêcheries commerciales et sa faune aviaire importante.

SES GARDE-MANGER

L’ARCHIPEL DU LAC SAINT-PIERRE

En 1754, le Français Gaspard-Nicholas Boucault, témoin important de la fin de la Nouvelle-France, nous donna un aperçu de ce que l’on pouvait pêcher et chasser dans l’archipel du lac Saint-Pierre, à l’embouchure de la rivière Yamaska. « Dans les chenaux du sud du fleuve St-Laurent, au-dessus du lac St-Pierre, il se pêche des poissons de toutes espèces, comme brochets, maskinongés, poisson doré, achigans, crapets, carpes, de deux espèces, éturgeons maillés, et autres… ». À cette liste incomplète, il faut ajouter les poissons suivants encore pêchés dans les années 1950 : gaspareau, alose savoureuse, brochet vermiculé, baret, bar blanc, laquaiche argentée, alose à gésier, barbue, anguille, loche, et plusieurs carpes aujourd’hui appelés moxostomes ou suceurs. Ces nombreux poissons nourrissaient les gens de la région immédiate du lac Saint-Pierre de même que tous les villages disséminés le long de la rivière Yamaska. Les surplus étaient vendus à Sorel et à la compagnie Canada Steamship Lines qui en achetait de grandes quantités pour nourrir les clients de ses navires touristiques. L’anguille fumée de la région était particulièrement estimée de tous. En plus des poissons, il faut citer les nombreuses espèces de canards et le petit gibier d’eau douce qui était chassé abondamment sur les bords du lac Saint-Pierre. On aimait, entre autres, beaucoup le ragout de rat musqué, dans la région. Enfin, le cerf de Virginie et le wapiti étaient très présents dans la région, au XVIII e siècle. Le wapiti, trop facile à chasser, disparut de la forêt régionale au milieu du XIXe siècle. La région regorgeait de plantes et de petits fruits sauvages cueillis par les autochtones locaux, au cours de l’histoire. On consultera mon 4 e volume pour plus de détails à ce propos.

LA FERME

Le climat de la région permettait de cultiver plusieurs espèces de légumes, de légumineuses qui ne venaient pas bien dans la grande région de Québec ou plus à l’est. On semait, dès le dégel, des laitues, des oignons, des radis, des petits navets, des épinards, de l’oseille, des petits pois, etc. Et l’on ne manquait pas de se semer beaucoup de légumes pour l’hiver qu’on conserverait de plusieurs façons, dans la cave, le grenier, la laiterie, la dépense, la cuisine d’été, le hangar et le caveau à légumes. À partir du début du XIX e siècle, on ajouterait les conserves maison qui amèneraient énormément de variété au menu hivernal. Comme les dégels étaient fréquents dans la région et qu’on perdait, autrefois, de nombreuses provisions de viande ou de poisson frais, on a pu désormais tout sauver, grâce à l’appertisation. Aujourd’hui, la région est bien connue pour ses produits laitiers diffusés par des gros joueurs de l’industrie alimentaire comme Agropur et Saputo. Plusieurs horticulteurs ont développé la culture en serre qui nous permet d’avoir des légumes d’été en toute saison.

 

SES FONDATEURS

LES ABÉNAQUIS

Avant l’arrivée des Français à l’embouchure de la Yamaska, l’intérieur des terres était fréquenté occasionnellement par les Abénaquis de la Nouvelle-Angleterre qui venaient chasser dans le territoire et sympathiser avec les Algonquins qui habitaient de l’autre côté du fleuve Saint-Laurent. Mais les Abénaquis n’avaient pas vraiment de village permanent dans la région.

LES FRANÇAIS

 Les premiers habitants permanents de la région ont été des Français établis en squatters, à l’embouchure de la rivière Yamaska, à partir de 1693. En 1721, la seigneurie comptait 34 résidents et 13 non-résidents. La colonisation du fief de Maska où se trouve la ville actuelle de Saint-Hyacinthe commença pour de bon en 1757, soit 3 ans avant la conquête de la Nouvelle-France par les Anglais. L’ouest de la région fut colonisé par des Français originaires de la région du Bas-Richelieu en quête de terres argileuses plus productives que chez eux. Lors de la guerre contre les Américains, le gouverneur anglais de la colonie construisit 2 forts sur la rivière Yamaska, dont l’un à Saint-Hyacinthe même, mais on le démolit après la guerre. C’était des soldats allemands qui le gardaient mais la relation avec les habitants locaux n’était pas bonne de sorte qu’aucun soldat allemand n’est resté dans la région, après la guerre. L’augmentation importante de la population française entre 1694 et 1830 suscita l’ouverture de la plupart des villages actuels de la région maskoutaine. Saint-Hyacinthe devint le centre de la région entre 1830 et 1850.

LES LOYALISTES

Plusieurs Loyalistes vinrent s’installer en Haute-Yamaska après la Guerre de l’indépendance américaine Ils eurent l’idée de développer la culture des pommes dans la région des monts Rougemont, Saint-Grégoire et Yamaska.  Mais leur nombre a largement diminué avec le temps. Le territoire est aujourd’hui occupé majoritairement par des francophones.

 

CONCLUSION

La cuisine de la Yamaska a un large passé français adapté à la nature sauvage locale : la chaudrée de poisson, les bouillons de volaille sauvage et domestique, les soupes de légumineuses, les soupes aux herbes comme l’oseille, le pourpier et la moutarde sauvage en sont des exemples. Les Loyalistes ont aussi installé des coutumes alimentaires particulières dans la région, comme l’habitude de manger des fèves au lard, le dimanche matin. Les gens de Saint-Hyacinthe, en particulier, allaient autrefois porter leur pot de fèves au lard chez le boulanger qui les faisait cuire pendant la nuit. Le lendemain, après la messe, on allait chercher son pot de fèves et on remerciait le boulanger en lui achetant quelques bons pains de ménage à la farine blanche. Les familles anglophones de la région accompagnaient leurs « beans » de pain de seigle et sarrasin à la mélasse. Ce pain était cuit, au début du XX e siècle, dans des boites de conserve qu’on récupérait à cette fin.