La cuisine de la Baie-James

La Baie James est essentiellement une immense baie que les gens de l’époque de la Nouvelle-France appelaient la Mer du Nord. On croyait rejoindre le Pacifique et l’Asie par cette mer, comme le racontaient les autochtones de l’époque. Ce qui était loin d’être faux mais oh! combien difficile! C’est donc une étendue d’eau à demi-salée où de multiples grandes rivières d’eau douce viennent se jeter dans l’eau salée de l’océan Arctique. 

SES GARDE-MANGER :

LA BAIE-JAMES 

L’eau à demi salée regorge de poissons différents selon que l’on pêche à l’embouchure des rivières, comme le font les autochtones, ou en haute mer comme on peut le faire aujourd’hui avec des bateaux appropriés. Les Cris ont toujours été intéressés par les oiseaux de mer et les voiliers d’oiseaux qui s’abattaient sur les eaux de la baie. Leur chasse occupe d’ailleurs toutes les familles, l’automne, au moment où les oies blanches et les outardes retournent vers le Sud. On ferme alors les écoles pour permettre aux familles d’aller chasser ensemble : c’est le Goose break. Ces oies sont cuites ou fumées dans des tentes de cuisson appelées meshuap. On chasse aussi les canards de mer comme l’eider, le kakawi, les plongeons, autrefois appelée les huarts, et les barges hudsonniennes. Les bécassines, les goélands argentés faisaient aussi partie du menu cri. Les poissons de mer capturés par les pêcheurs cris sont l’anguille, le capelan, le hareng, le requin, la sardine et surtout les chabots. Mais en général, ces poissons sont laissés de côté au profit des poissons d’eau douce de l’intérieur des terres.

LA FORÊT BORÉALE ET LA TAÏGA 

La faune locale est abondante et fait davantage partie du garde-manger traditionnel des Cris. On se souviendra ici que chez les peuples de langue algonquienne, on passait tout l’hiver dans la forêt profonde, loin des grands vents froids de la mer. Or, comme les hivers sont longs en Baie James, leur séjour au bord de la baie James étaient plutôt courts. C’est l’arrivée des Postes de traite qui les incita à demeurer en permanence près des postes de traite établis dans ces lieux pour faciliter le transbordement par l’eau de marchandises apportées par l’Atlantique et la baie d’Hudson.  Par conséquent, le caribou, l’orignal, l’ours noir et même l’ours polaire faisaient l’essentiel de leurs menus, entrecoupés de castors, de lièvres américains et nordiques, de tétras des savanes et de lagopèdes, de lynx, de rats musqués, de porcs-épics et de castors. Ajoutons les canards nicheurs, les écrevisses et les poissons d’eau douce comme le brochet, les dorés jaune ou noir, le corégone, le cisco de lac, la perchaude, l’esturgeon jaune, la truite mouchetée, le touladi, le ménomini rond sans oublier la loche pêchée en hiver. Enfin, le territoire regorge toujours de petits fruits sauvages, en particulier de bleuets, de gadelles, de petites fraises et de framboises.

LES JARDINS DES POSTES DE TRAITE ET DES RÉSIDENTS BLANCS

Les missionnaires catholiques, les pasteurs protestants, les gérants des postes de la Compagnie de la Baie-d’Hudson et leurs employés blancs se faisaient des jardins autour de leurs bâtiments qu’ils clôturaient pour les protéger des animaux sauvages herbivores et des grands vents froids. C’est la pomme de terre qui occupait le gros du jardin, suivi du chou, des oignons, des carottes, des betteraves, de la laitue, des échalotes, des radis, des rabioles et des pois. Agriculture Canada réussit à y faire pousser une vingtaine de légumes différents. Quelques familles cries se sont essayé à planter ces denrées européennes mais leurs enfants n’ont pas suivi pour des raisons culturelles.

L’IMPORTATION

Malheureusement, aujourd’hui, la majorité des denrées consommées par les résidents locaux sont amenées par camion par les voies qui ont permis de construire les barrages dans la région. Avant ces routes, les produits européens étaient apportés par bateau. Le riz, le thé, le sucre, les conserves, les sachets de soupe, les pâtes alimentaires et quelques produits de longue conservation comme les oignons, le fromage et le bacon faisaient partie du menu hebdomadaire des années 1960. C’est la construction des barrages dans la région qui amena une foule de denrées dans la cuisine locale parce que beaucoup de Cris travaillaient dans les chantiers où ils étaient nourris par de véritables chefs cuisiniers qui les gâtaient de desserts et de plats en sauce. Quelques-uns travaillaient même aux cuisines de sorte que plusieurs recettes classiques sont entrées dans les familles cries à cause de cela.  

 

SES FONDATEURS

ARCHAÎQUES DU BOUCLIER CANADIEN

Le territoire est habité depuis 5 000 ans seulement parce que c’est le dernier endroit du Québec où le glacier continental a terminé sa fonte. La baie James est ce qui reste du bassin  créé par le poids du glacier fondu. Ce sont les Archaïques du Bouclier canadien qui sont arrivés les premiers dans la région, en provenance de la forêt boréale québécoise qu’ils occupaient au moins depuis 3 000 ans auparavant.

Puis, il y a environ 3 500 ans, un groupe issu des Archaïques du Bouclier, vivant dans la forêt mixte du nord du lac Ontario, a développé toute une culture particulière que les archéologues et anthropologues ont baptisé les Algonquiens. Ces tribus de langue commune au début, se sont peu à peu dispersées, au cours des siècles, en pourchassant leur gibier préféré. Ceux qui sont parvenus à la Baie James, poursuivaient le caribou des bois. Leurs descendants s’appellent les Cris. 

LES CRIS

Les Cris furent visités par un premier Européen en 1610 qui s’appelait henry Hudson. En 1631, Thomas James les visitait à son tour et passait l’hiver avec eux. C’est à cause de lui que la baie porte son nom. Quelques années plus tard, les Français de Trois-Rivières, Radisson et Desgroseillers, commençaient le premier commerce des fourrures avec les Cris au nom du roi de France. Puis, insatisfaits des conditions que leur faisait le gouverneur de Québec, ils passèrent à l’Angleterre en fondant la Compagnie de la Baie d’Hudson. Les Cris habitent aujourd’hui 5 villages au bord de la baie James. 

LES INUITS

Les Inuits habitent plutôt la baie d’Hudson, au nord de la baie James. Mais ils ont leur propre village, au nord de la Baie-James, qui s’appelle Kuujjuarapik. Les deux peuples fréquentent aujourd’hui, les mêmes magasins et partagent plusieurs recettes communes. 

LES FRANCO-QUÉBÉCOIS

Ils sont présents au sud-ouest de la Baie-James depuis le début du XXe siècle. Ils ont beaucoup contribué à l’installation des barrages hydroélectriques et des routes pour les atteindre. Leur influence culinaire est importante auprès de la population autochtone.

CONCLUSION

La cuisine des Cris est aujourd’hui métissée avec la cuisine française et britannique. Mais elle repose principalement sur le gibier et le poisson d’eau douce local. Elle a ajouté les légumes français dès le XVIIe siècle au point d’avoir un nom cri pour chacun, puis les pâtisseries anglaises, après l’arrivée des gérants des postes de langue anglaise. Elle a aussi créé ses propres recettes avec du gibier et les produits importés comme les crêpes au capelan ou au petit gibier de même que celles au corégone ou au brochet. On cuisine aussi, aujourd’hui, avec un vieil aliment cri, la farine de quenouille qu’on mélange à de la farine de blé pour faire les pancakes. Le plat identitaire demeure l’outarde grillée à la corde, dans un meshuap que l’on sert avec du riz ou des pommes de terre.