Les sauces-repas brunes

Les sauces avaient beaucoup de place dans le menu hebdomadaire de nos ancêtres d’origine française. L’été, quand le lait était abondant, on favorisait les sauces blanches aux légumes ou au poisson. L’hiver, comme il n’y avait plus de légumes et presque plus de poisson sinon les poissons salés et quelques poissons pêchés sous la glace, on se faisait surtout des sauces brunes avec des bouillons de viande ou du lard salé. Une partie des viandes bouillies étaient cuisinées en ragout, le dimanche, et les restes de bouillon servaient à faire des soupes ou des sauces brunes. On les appelait des sauces brunes parce qu’on épaississait le bouillon de viande avec de la farine blanche de blé, grillée dans un poêlon ou au four, ou avec une farine foncée comme celle du seigle ou du sarrasin. Au XVIIIe siècle, on connaissait le roux et l’on se faisait alors des roux brun pâle ou brun foncé en brassant de la farine dans de la graisse de lard salé fondu jusqu’à ce que le roux devienne foncé à notre gout. On ajoutait simplement de l’eau à ce roux déjà gouteux. La présence d’oignons, d’herbes séchées du jardin ou d’herbes salées donnait du caractère à la sauce qu’on ne mangeait qu’avec du pain ou des pommes de terre. Dans les chantiers forestiers, les cuisiniers faisaient de grandes quantités de sauce brune qu’ils faisaient geler dans le hangar du chantier, pendant la nuit. Le lendemain matin, chaque bûcheron allait se tailler avec leur hache, un morceau de sauce gelée qu’ils amenaient en forêt pour leur diner, avec un quignon de pain. Chacun faisait chauffer sa sauce brune, dans une chaudière suspendue au-dessus d’un feu de camp. Au Saguenay, cette sauce brune s’appelait une sauce à la poche, parce que les bucherons amenaient leur sauce brune gelée dans une poche de jute. Par la suite, le terme « sauce à la poche » est devenu le synonyme de sauce brune. C’est ce type de sauce qu’on servait, avec des patates frites, à Chicoutimi, en 1890.